Une Découverte Fascinante au Cœur de l’Histoire
En 1842, dans le petit village de Pouan-les-Vallées, une découverte fortuite allait marquer l’histoire de l’archéologie et nourrir des débats passionnés parmi les historiens. Une tombe richement dotée, datée du Ve siècle, fut mise au jour, renfermant des objets somptueux : une épée ornée, des bijoux d’or cloisonnés de grenats importés d’Inde, et une bague portant le nom gothique d’HEVA. Était-ce le dernier repos d’un grand chef wisigoth ou un guerrier aristocratique tombé lors de la légendaire bataille des Champs Catalauniques ? Ce trésor, aujourd’hui exposé au musée de Troyes, demeure au centre de nombreuses hypothèses.
Dans cet article, nous explorerons les mystères autour de cette sépulture, le contexte historique des invasions d’Attila en 451, et les traces laissées par les batailles décisives dans cette région. Nous verrons comment archéologie, histoire locale et traditions orales s’entremêlent pour éclairer ce pan méconnu de notre passé.
Contexte historique :
En 451, une des périodes les plus tumultueuses de l’histoire de l’Empire romain tardif se déploie sous nos yeux avec l’invasion des Huns, dirigés par Attila, le « Fléau de Dieu ». Ces événements, riches en implications militaires, politiques, et sociales, marquent une étape clé dans la transition de l’Antiquité tardive vers le Moyen Âge. Attila, à la tête d’une confédération de peuples, lance une campagne dévastatrice à travers la Gaule, s’attaquant à plusieurs cités majeures. L’étude de cette invasion met en lumière des stratégies militaires complexes, des alliances fragiles, et des affrontements épiques dont les répercussions résonnent encore dans la mémoire collective.
Pour mieux comprendre ces événements, il est crucial d’examiner le contexte de l’époque. En scindant son armée en deux, Attila met en œuvre une tactique visant à maximiser la destruction et à diviser les forces défensives de ses ennemis. Une branche de l’armée part dévaster Metz, puis Reims, avec pour objectif initial de rejoindre la seconde branche à Paris afin de s’attaquer à Orléans. Pendant ce temps, l’autre partie de l’armée traverse la capitale du roi Mérovée des Francs Saliens, rase Amiens, puis contourne Paris qu’elle laisse intacte, faute d’intérêt stratégique ou économique. C’est dans ce contexte que le mythe de Sainte Geneviève prend racine : elle aurait pris les armes avec les femmes de Paris pour défendre la ville, alors que les hommes auraient fui. Cependant, une lecture approfondie des textes de Jordanès et une analyse critique révèlent une interprétation différente de ces événements.
Les champs Catalauniques et l’erreur de lecture des sources
Jordanès, historien goth, rapporte des détails sur la campagne d’Attila, mais ses écrits ont souvent été interprétés de manière erronée. Par exemple, l’objectif initial de l’armée B (Metz, Reims) semble avoir été modifié en cours de route pour viser Troyes plutôt qu’Orléans, trop bien défendue par Aetius et ses alliés fédérés. Cette réorientation stratégique pousse Aetius à envoyer des troupes vers Châlons-en-Champagne (les « champs Catalauniques » ou « Catalonii » dans les textes) pour contrer les forces hunniques. Pendant ce temps, les Huns atteignent Arcis-sur-Aube, où une bataille massive éclate à Pouan-les-Vallées et Nozay. Le général Heva (Marcillius) y trouve la mort avec l’intégralité de ses troupes, leurs corps jetés dans la rivière Barbuise. Selon la tradition locale, l’eau coulait rouge de sang et une odeur nauséabonde s’en dégageait, d’où les noms évocateurs des lieux : « la vallée puante » et « la nausée ».
Un fabuleux trésor wisigoth fut découvert dans le lit de l’Aube, incluant l’anneau d’Heva, témoignage des pratiques funéraires partagées entre les Wisigoths et les Huns, qui incluaient l’inhumation en lit de rivière. Après cette victoire, les Huns se dirigèrent vers Troyes, établissant leur campement à Sainte-Maure, à 7,5 km de la ville, une localisation précise corroborée par les textes de Jordanès. Le nom de Sainte-Maure évoque les « Maures », terme désignant des peuples venus d’ailleurs, souvent associés à une peau basanée dans les sources anciennes.
La bataille des champs Mauriaques
Le 20 juin 451, les forces combinées d’Aetius et des Wisigoths affrontent les Huns sur le mont des Goths, aujourd’hui la colline de Montgueux. Les Wisigoths, dirigés par leur roi Théodoric, repoussent les Ostrogoths avec une violence telle qu’ils finissent par attaquer directement le camp d’Attila à Sainte-Maure. Théodoric y trouve la mort et est enterré sur une colline, au lieu-dit « le trou de Chirac » (du gothique « Childer-aric », signifiant roi combattant). La disparition de Théodoric est une opportunité pour Aetius, qui craignait de céder la gloire de la victoire aux Wisigoths, responsables du sac de Rome en 410. Prétextant un besoin urgent de résoudre leur succession royale, il leur demande de quitter le champ de bataille, tout en leur offrant le titre de « Marcillius » (ceux qui prient le dieu Mars). En effet Aetius, désireux d’éviter que les Wisigoths ne s’arrogent tout le mérite de la victoire, leur ordonne de régler leur succession royale et de quitter le champ de bataille. Il leur offre toutefois le titre de « Marcillius » (ceux qui prient Mars), et ces derniers fondent des villages comme Marcilly-sur-Seine, Marcilly-le-Haye, ou Marigny-le-Châtel. De nombreux autres lieux portent encore les marques de cet affrontement : les Drouot, artisans chaudronniers, fondent les villages de Droup-Saint-Basle et Droup-Sainte-Marie. Un autre village, anciennement Broli ou Brolium (signifiant « bois »), a été rebaptisé Saint-Mémin, en hommage au diacre Nemorius, martyrisé en tentant de négocier avec Attila.
Les villages fondés par les Wisigoths
Après leur départ, les Wisigoths fondent plusieurs villages, dont Marcilly-sur-Seine, Marcilly-le-Haye, Fay-les-Marcilly, Avant-les-Marcilly, Marigny-le-Châtel, et Merry-sur-Seine. Ces localités, imprégnées de l’histoire de leurs fondateurs, témoignent encore aujourd’hui de ce riche héritage. L’auteur de cet article, descendant direct de cette lignée, porte le nom de Marcilly et perpétue la mémoire de cette époque.
Massacres et légendes
En septembre 451, le village de Broli (ou Brolium, signifiant « bois » = breuil) subit un massacre. Ce lieu aurait été renommé en mémoire de Saint Mémin (Sanctus Memorieus – également orthographié Nemorius), diacre envoyé par Loup, évêque de Troyes, pour négocier avec Attila. D’après les « Œuvres Inédites » de Pierre Jean Grosley, Saint Mémin aurait été martyrisé, accompagné de sept jeunes clercs portant la croix et l’évangile. Au devant du détachement qu’envoyait Attila à son arrivée de Metz, pour soumettre la ville de Troyes à son obéissance et s’y assurer le passage de la Seine alors réunie en un seul lit.
Attila, après le retrait des Wisigoths, fuit en direction de Bar-sur-Aube, où il commet un dernier massacre, celui de Sainte Germaine. Une légende raconte qu’il tomba amoureux d’une bergère nommée Germana, qui, ayant refusé ses avances au nom de sa foi chrétienne, fut sauvagement décapitée par Attila lui-même. Ce récit légendaire, bien que fascinant, soulève des doutes quant à sa véracité historique. Il pourrait s’agir d’une superposition de mythes liés à des figures locales et à l’impact des invasions barbares sur la région.
Les Vandales et l’énigme du Val de Thor (407)
Une autre hypothèse historique se rattache aux Vandales, connus pour leur passage dévastateur dans la région en 407. Les témoignages archéologiques et les récits contemporains appuient cette hypothèse. Ces envahisseurs auraient brûlé une vaste zone, désormais appelée le Val de Thor. Cette destruction est associée à la découverte d’un trésor enfoui, composé de monnaies romaines s’arrêtant à l’époque de l’empereur Arcadius (395-408). Cette datation corrobore les événements décrits et suggère que le Val de Thor pourrait avoir été abandonné suite à ce saccage.
Ce type de trésor, souvent lié à des pratiques d’enfouissement en période d’instabilité, illustre la terreur inspirée par les invasions barbares. La présence de ces artefacts renforce l’idée d’une destruction totale et d’un bouleversement social durable dans cette région.
Cet article met en lumière l’impact complexe des invasions barbares au Ve siècle et les légendes qui en découlent, à travers des récits captivants et des découvertes archéologiques. Des batailles épiques, telles que celles des Champs Catalauniques et Mauriaques, aux destins individuels tragiques comme celui de Sainte Germaine, ces événements ont marqué de manière indélébile l’histoire de la Champagne et de ses habitants. En mêlant histoire, mythologie et archéologie, ils témoignent de la richesse du patrimoine régional et de l’importance de poursuivre les recherches pour démêler les faits des légendes.
À travers l’archéologie, les sources anciennes et les traditions locales, nous sommes invités à explorer les mystères de la bataille des Champs Catalauniques et à réfléchir à l’héritage laissé par ces événements. Mais bien des questions demeurent si ces mystères vous passionnent, restez connectés pour d’autres explorations historiques et suivez nos articles à venir. Et vous, quelles hypothèses avez-vous sur ces énigmes du passé ? Partagez votre avis et vos découvertes dans les commentaires !
Auteurs : cet article a été co-écrit par Flavius Bertus Aesius avec la collaboration de Louis pour la mise en forme.
Remerciements : Mme Zhao pour sa relecture attentive et ses précieuses suggestions, qui ont contribué à affiner cet article.